• Naufrage

    Première nouvelle que je vous propose... J'espère qu'elle vous plaira! [SPOILER:] Elle est triste, comme la majorité de ce que j'écris \o/ Bonne lecture!

     

    La chaleur du soleil réchauffe doucement ma peau encore humide. Le bateau tangue doucement, tandis que j’offre mon visage aux rayons bienfaiteurs du Soleil. 

    J’entends Thomas et Noah se disputer encore à propos d’une route à prendre, d’une île à découvrir… Ces deux-là n’ont cessé de se disputer. Pourtant, ce sont eux qui ont insisté pour que l’on prenne la mer, tous les six sur le bateau des parents de Thomas.

    Il y a donc Thomas, Noah, et quatre autres filles qui ont bien voulu les accompagner sur leur ballade maritime : Léa, Charlotte, Clara et moi, Victoire.

    Cela fait trois jours que nous sommes en mer. Passé le mal de mer des premières heures, cela a été un pur délice. L’eau ici est tiède, presque chaude. Lorsque l’on plonge profondément sous l’eau en ouvrant grand les yeux, on peut parfois voir des massifs aux angles irréguliers, recouverts d’algues et de coquillages. Des centaines de petits poissons s’enfuient alors à notre approche. Mais on doit remonter pour respirer.

    Cela fait maintenant trois jours que je suis en maillot de bain, sans l’avoir quitté une seule fois depuis mon premier bain. Je ne me souviens pas avoir déjà passé de meilleures vacances.

    Le bateau continue lentement sa route vers la côté. Il a été prévu par les parents de Thomas que nous rejoindrions en un jour et demi, deux jours, la magnifique petite île recouverte de végétation qui leur appartient, avant de faire demi-tour et de regagner la côte. Ce qui ferait déjà une belle escapade.

    La journée se passe bien. Nous nous baignons encore, goûtant une dernière fois les délices de la mer, puis nous remontons et nous nous rhabillons. Le ciel commence à se couvrir, comme pour nous confirmer la fin du voyage, des vacances.

    A la barre, sérieux comme le pape, se tient Thomas, son regard bleu fixé vers l’horizon. On sent qu’il est fier de diriger ainsi le bateau, « son » bateau, comme cela lui échappe parfois.

    Les nuages commencent à s’amonceler sur le ciel, un vent froid se lève. Un peu inquiet, Thomas continua à scruter les alentours, mais ne distingua rien d’anormal. Lorsque Charlotte lui demanda si tout allait bien, Thomas répondit sans hésitation que oui.

    Le temps changeait, toutefois. Le ciel bleu et brillant, gorgé de soleil, avait laissé place à une voûte grise, noire par endroits. L’air était humide, un vent chargé d’embruns nous fouettait cruellement à travers nos minces vêtements.

    Le bateau continua à avancer vaillamment.  Puis il y eut la pluie. En une seconde, des litres et des litres se déversèrent sur nous et notre bateau. Nous étions à présent frigorifiés, et de plus en plus inquiets. Thomas avait toujours l’air calme, ce qui nous rassura légèrement.

    Puis la mer se mit en colère. En parfaite adéquation avec le ciel, elle vira au gris, et se souleva, entraînant notre frêle bateau dans des creux de plus de trois mètres, nous aspergeant d’eau salée à n’en plus finir.

    Cramponné à la barre, Thomas continuait à regarder droit devant lui. Il était livide.

    Puis tout devint pire. La pluie s’intensifia, ce que je n’aurais pas cru possible, les creux de la houle s’accentuèrent, la mer devint noire, le foudre tonna.

    Nous eûmes peur.

    A partir de cet instant, je ne me souviens plus très nettement de ce qui s’est passé. Je me souviens être descendue à l’intérieur du bateau pour lancer des appels à l’aide. Mais je suis vite remontée.

    J’ai ensuite entendu Thomas hurler de toute la force de ses poumons : « On est qu’à 3 kilomètres du rivage… On peut le faire ! »

    J’ai cru voir la voile se détacher et assommer Charlotte. J’ai cru voir Noah glisser à l’extrême bord du bateau. J’ai cru voir Thomas qui tenait la barre comme si sa vie en dépendait. Ce qui était le cas, bien sûr.

    Et la vague m’a emportée.

    Elle a été énorme, et m’a d’abord plaquée contre le plancher ruisselant du bateau, avant de me soulever avec une force inimaginable. Je me suis sentie tourner. Plus rien n’avait de sens. L’eau salée m’entourait de toute part, me piquant affreusement les yeux. J’ai voulu hurler de terreur mais l’eau froide s’est engouffrée dans ma bouche et je me suis étouffée.

    Je me suis débattue frénétiquement, et avec une chance inouïe, je me suis retrouvée à l’air libre. J’en ai profité pour cracher et happer un peu d’air, avant que la mer ne m’emporte à nouveau.

    J’ai été ainsi ballotée pendant un temps qui me parut infini. A chaque seconde, je luttai pour ma vie, dans cette eau froide qui n’avait pour seul but que de me priver d’oxygène. A un moment, alors que j’allais m’évanouir, par manque d’air, j’ai cru apercevoir le visage blanc de Thomas, quelques mètres au-dessous de moi, les yeux toujours fixés vers l’horizon… Mais la mer n’en avait visiblement pas fini avec moi, et elle me remonta à la surface où je repris une respiration aussi douloureuse que salvatrice.

    Puis, à un moment, la tempête se calma. La mer devint plus calme. Ses jeux devinrent moins puissants. Je parvins à rester de plus en plus longtemps à la surface. Enfin, tout aussi soudainement qu’elle avait commencé, la tempête cessa.

    Je retrouvai la mer calme et plate, agitée de courant chaud, qui m’avait tant plu les jours d’avant. Je n’avais à présent qu’un seul désir, c’était de m’en éloigner à tout prix.

    Il n’y avait plus aucune trace du bateau. Le plus gros morceau que j’ai retrouvé fut un bout de bois appartenant certainement à un cadre de lit. Du reste du bateau, et de ses passagers, rien. Pas la moindre trace.

    J’ai passé de longues heures à hurler à m’en casser la voix, cramponnée au bout de bois, à bout de forces. Je hurlais leurs prénoms, des appels à l’aide, et même parfois des hurlements, juste des hurlements qui traduisaient ma détresse  sans nom.

    Je crus devenir folle. J’ai hurlé, hurlé pendant des heures sans penser à rien d’autre. Puis, je me suis tue. Il n’y avait personne.

    C’est alors que j’ai aperçu un trait noir sur ma gauche. Je le contemplais avec espoir, et sentant que mon seul espoir résidait là, je me mis à battre des pieds dans cette direction, la tête et les bras reposant sur le bout de bois que je faisais ainsi avancer. Il était devenu mon seul support dans ce monde de liquide insupportable.

    Et j’ai battu des pieds, battu des pieds pendant d’autres longues heures. La nuit est tombée –était-il possible qu’à peine vingt-quatre heures avant, j’étais en train de folâtrer gaiement dans l’eau ?

    Je grelottais dans l’eau, mes jambes sans force parvenait tout juste à soulever mes pieds hors de l’eau, j’avais la gorge desséchée, je tremblais de faim, j’avais d’horribles crampes dans les épaules à force de serrer le morceau de bois, et, pour couronner le tout, j’avais les yeux qui pleurait tellement que je ne voyais même plus ce morceau de bois.

    La voûte s’éclaira d’étoiles, et je continuai tout droit, bien que j’aie perdu de vue l’endroit où je me rendais, tant il faisait sombre.

    Vous n’imaginez pas le calvaire que c’est. Se sentir défaillir de terreur à chaque instant, grelotter de froid, ne pas voir où l’on va, avoir mal, affreusement mal, avoir l’impression de tourner en rond à l’infini…

    Mais j’ai fini par arriver. Ce qui est bien miraculeux, lorsque l’on voit les battements de pieds inefficaces que je faisais.

    Au moment où le soleil se levait, je me suis lamentablement traînée jusqu’à la plage de sable fin, extrêmement doux. Et je me suis endormie là, les pieds encore dans l’eau.

    Je me suis réveillée quelques heures plus tard. Le soleil était à son zénith et frappait durement sur ma peau endolorie par le sel. Je me suis lentement redressée, un peu étonnée que personne ne soit encore venu me chercher.

    J’ai d’abord vu la mer, si calme et trompeuse, et la pensée qu’elle renfermait les corps de mes cinq amis me fit devenir folle. Je m’éloignais donc aussi vite que je le pus, à couvert sous les arbres luxuriants qui bordaient la plage.

    C’est alors que je remarquais un détail. Un marteau gisait par terre, non loin de moi. Un marteau que je reconnus aussitôt, celui qui nous servait à planter la tente. Que nous avions oublié sur l’île des parents de Thomas.

    J’étais sur l’île.

     

     


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